Insécurité : les gangs contrôlent 28 territoires et déplacent plus d’un million de personnes selon le CARDH

Depuis la prise d’assaut de Martissant le 1er juin 2021, les gangs armés haïtiens ont progressivement étendu leur emprise sur de vastes portions du territoire national. Cette dynamique de conquête a été officiellement reconnue le 20 mars 2023 sous l’appellation de « territoires perdus ». Selon le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits Humains (CARDH), 28 territoires sont aujourd’hui sous le contrôle direct de groupes criminels, dont 25 dans le seul département de l’Ouest. Cette occupation violente a entraîné des déplacements massifs de populations, la paralysie des institutions publiques et privées, et des niveaux alarmants de violences.
Le rapport publié le 19 mai 2025 par le CARDH fait état de chiffres effrayants : plus d’un million de personnes déplacées internes (1 064 935), 4 716 personnes assassinées, dont 136 policiers, et 3 363 cas d’enlèvements. Par ailleurs, 102 institutions publiques et 622 entités privées ont été délocalisées, vandalisées ou incendiées. Le document pointe du doigt l’inaction, voire la complicité, de plusieurs responsables politiques dans le développement de cette criminalité rampante. La situation actuelle découle, selon le CARDH, d’un effondrement progressif de l’autorité de l’État.
L’administration américaine, dans un tournant diplomatique significatif, a désigné le 3 mai dernier certains gangs haïtiens comme organisations terroristes internationales. Si cette décision est saluée, son efficacité dépendra des actions concrètes et durables qui en découleront. Le recours controversé à la société de sécurité privée Academi (anciennement Blackwater), révélé par le New York Times le 28 mai, est également évoqué comme une option potentielle. Toutefois, le CARDH insiste sur la nécessité d’un encadrement strict, avec des règles claires en matière de droits humains, des mécanismes de contrôle robustes et une orientation axée sur l’appui aux institutions de sécurité haïtiennes.
En parallèle, le rapport recommande une série de mesures structurantes : réforme du cadre légal sécuritaire, création d’une unité anti-terroriste spécialisée, augmentation des effectifs policiers et militaires, levée de l’embargo sur les armes, et construction d’une prison de haute sécurité.
Le CARDH appelle également à une stratégie de réinsertion des jeunes enrôlés par les gangs et à la mise en place de tribunaux spécialisés pour accélérer le traitement des dossiers criminels. Sans une approche cohérente, inclusive et coordonnée, avertit le rapport, Haïti risque de devenir un territoire entièrement gouverné par des groupes armés.
Emmanuel Louissaint
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