Fin du TPS pour les haïtiens : silence de l’État face à une décision aux conséquences dramatiques

Jul 2, 2025 - 10:35
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Fin du TPS pour les haïtiens : silence de l’État face à une décision aux conséquences dramatiques

Washington met un terme au programme de protection temporaire (TPS) pour les ressortissants haïtiens aux États-Unis. Une décision qui menace des milliers de familles haïtiennes, tandis que le gouvernement d’Haïti, lui, reste étrangement silencieux.

La Secrétaire américaine à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a annoncé le 27 juin que le programme de protection temporaire (TPS) prendra fin pour les Haïtiens le 2 septembre 2025, bien que sa date d’expiration technique soit fixée au 3 août. Cette mesure, instaurée après le séisme de 2010, a permis à des dizaines de milliers de ressortissants haïtiens de vivre et travailler légalement aux États-Unis. Pour justifier sa décision, l’administration américaine s’appuie sur une évaluation conjointe du Department of Homeland Security (DHS) et du Département d’État, concluant que les conditions actuelles en Haïti ne justifient plus la prorogation du TPS.

Des organisations comme Human Rights Watch (HRW) et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) tirent la sonnette d’alarme : l’Haïti de 2025 est plongée dans une crise multidimensionnelle. Les violences des gangs, l’effondrement des institutions étatiques, les déplacements forcés de population et la famine dans plusieurs régions rendent le pays plus dangereux aujourd’hui qu’il ne l’était en 2010. À Port-au-Prince, l’accès à la capitale est verrouillé par des groupes armés, les écoles ferment les unes après les autres, les hôpitaux fuient les zones rouges, et les enlèvements sont monnaie courante.

Dans ce contexte, la décision américaine apparaît pour beaucoup comme une aberration politique, une hypocrisie diplomatique. Mais plus encore, c’est l’absence totale de réaction des autorités haïtiennes qui scandalise.

Depuis l’annonce de Washington, ni le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, ni le ministre des Affaires étrangères Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, n’ont exprimé la moindre position officielle. Aucune note, aucun appel au dialogue, aucune demande de réexamen n’a été formulée. Le silence du gouvernement contraste violemment avec l’ampleur du choc pour les familles concernées.

Une inaction d’autant plus incompréhensible que l’État haïtien consacre chaque année plusieurs millions de dollars à des cabinets de lobbying à Washington, censés défendre les intérêts de la diaspora et plaider pour la stabilité migratoire. Où sont ces intermédiaires aujourd’hui ? Qu’ont-ils entrepris pour anticiper cette décision ? Quels résultats ont-ils obtenu en échange des sommes perçues ?

Ce mutisme officiel n’est pas nouveau. Face à la répression migratoire en République dominicaine, les autorités haïtiennes avaient déjà brillé par leur passivité. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter, avec des conséquences potentiellement encore plus graves : travailleurs menacés de renvoi, étudiants privés d’avenir, familles séparées, et surtout, un effondrement possible des transferts de fonds de la diaspora, qui constituent un pilier vital de l’économie nationale.

Pour de nombreux économistes, la fin du TPS pourrait provoquer une onde de choc sociale et financière dans tout le pays, aggravant la pauvreté, fragilisant les familles rurales et poussant davantage de jeunes à tenter l’exil, au péril de leur vie.

En se montrant incapable de réagir, le gouvernement haïtien envoie un message clair : celui d’un pays abandonné à lui-même, sans cap, sans diplomatie proactive, et sans volonté de défendre ses ressortissants à l’étranger.

Emmanuel Louissaint

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