Un an jour pour jour après le déploiement du contingent kényan dans le cadre de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS), censée renforcer la Police Nationale d’Haïti (PNH), l’Ordre des Défenseurs des Droits Humains (ORDEDH) tire un bilan lourdement négatif de cette initiative soutenue par la communauté internationale.
Selon l’organisation, loin d’avoir amélioré la sécurité sur le territoire haïtien, la MMAS a coïncidé avec une nette détérioration de la situation. Des quartiers stratégiques autrefois sous contrôle, comme Solino, Champs-de-Mars, Nazon, Carrefour-Feuilles, La Chapelle, Kenscoff, la Route de l’Aéroport, Mirebalais ou encore Saut-d’Eau, sont aujourd’hui occupés par des groupes armés. Cette expansion territoriale des gangs s’accompagne d’une recrudescence de violences, de massacres et d’un déplacement massif de la population.
L’ORDEDH déplore notamment une hausse du taux d’homicides, avec plus d’une douzaine de massacres recensés en présence de la mission internationale. Plus de 100 institutions étatiques ont dû être relocalisées hors de Port-au-Prince, faute de conditions sécuritaires adéquates, témoignant de l’incapacité de la MMAS à stabiliser le pays.
Parmi les incidents les plus marquants, l’organisation rappelle l’assassinat d’un policier kényan dans le département de l’Artibonite, dont le corps avait été pris en otage par des gangs. La nécessité de négocier avec les criminels pour récupérer la dépouille a constitué, selon l’ORDEDH, un véritable camouflet pour les gouvernements concernés. Le silence persistant de la MMAS autour de cet épisode soulève des inquiétudes sur le niveau de transparence et d’efficacité de la mission.
Certains officiers de la PNH ont même exprimé leur frustration, accusant les membres du contingent kényan de faire du tourisme, plutôt que de remplir un mandat de sécurité rigoureux.
Trois revendications clés de l’ORDEDH
Face à ce qu’elle qualifie d’échec cuisant, l’ORDEDH formule trois grandes recommandations :
1. Un redressement stratégique : la mission doit revoir son orientation avec des objectifs clairs, opérationnels et mesurables, et sortir de l’ambiguïté actuelle.
2. La transparence financière : l’organisation demande un audit public de la gestion des fonds de la MMAS afin d’éviter toute dérive ou soupçon de détournement ou de blanchiment.
3. Une transformation de la mission : si le redressement n’est pas possible, l’ORDEDH plaide pour que la MMAS soit remplacée par une véritable mission de paix onusienne, dotée d’un mandat robuste et internationalement encadré.
L’organisation conclut en affirmant que cet échec n’est pas uniquement celui de la MMAS, mais également celui d’une communauté internationale qui continue, selon elle, de considérer Haïti comme un terrain d’expérimentation pour des stratégies souvent déconnectées des réalités du terrain.
« Il est temps d’arrêter de traiter Haïti comme un laboratoire. Ce peuple mérite des réponses concrètes, durables, efficaces – pas des promesses creuses ni des dispositifs improvisés qui aggravent sa souffrance », martèle le communiqué.
Emmanuel Louissaint